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CAMPAGNE d’ALLEMAGNE d’un VOLONTAIRE de GUERRE 1940-1945, par G. Arendt

CAMPAGNE d’ALLEMAGNE d’un VOLONTAIRE de GUERRE 1940-1945

du 13 février 1945 au jour de sa démobilisation,

le 29 novembre de la même année.

 

                                   Guillaume ARENDT

 

(Cet article peut être obtenu dans son intégralité sur simple demande à Segnia)

 

Guillaume ARENDT est né à Buvange (Wolkrange) le 29 septembre 1923.

Diplômé comme instituteur depuis le 30 juin 1943. Sortant de la Résistance armée, il s’engage comme volontaire de guerre à Arlon, le 6 octobre 1944 et est appelé sous les armes le 20 décembre 1944. Les jeunes volontaires sont soumis à une période d’instruction de 52 jours allant jusqu’au 13 février 1945.

 

 

JOURNAL  de  CAMPAGNE 

 

13 février 1945

 

Après une dernière inspection de tout l’équipement, le Bataillon quitte la nouvelle caserne Trésigny de Charleroi par la route pour rejoindre, selon les compagnies, les différents lieux d’affectation. La troisième compagnie est dirigée vers Landen (Huy) et installe ses quartiers au Piéré d’Amay. Elle est incorporée à la 995e Ordnance Company américaine.

Étant à l’époque premier tireur F.M. (Brengun), j’étais obligé de prendre soin de cette arme mais je ne possédais pas de véritable arme pour assumer le service de garde auquel nous étions destinés. Aussi, dans ce but, j’empruntai la mitraillette Sten d’un de mes copains. Hélas, cette arme était défectueuse. J’ignorais que la sûreté était cassée. Lors d’une descente de garde, j’étais assis dans la camionnette qui nous ramenait par les routes pavées le long de la Meuse. Le chargeur était sur l’arme, et je tenais l’arme placée entre mes genoux, le canon vers le haut. Une balle partit et passa à quelques centimètres de mon casque. Le sous-officier, constatant ma franchise, me fit cependant une remarque autoritaire. Pourtant je n’y étais pour rien. Ce fut pour moi la première expérience pratique avec une arme de guerre. J’étais devenu plus méfiant à l’égard d’une petite mitraillette que de mon fusil mitrailleur.

Durant près d’un mois, nous avons assumé le service de garde et de patrouille aux dépôts américains de chars, canons, camions, jeeps et autres véhicules. Des centaines de ces engins, tous neufs, remplissaient les entrepôts, usines, places publiques et chemins de campagne de toute la rive de la Meuse (Ampsin, Amay, Flémalle et Engis). Ce matériel était en réserve pour la dernière phase de la campagne d’Allemagne.

Le dessin occupait mes heures de liberté. Ainsi, avant mon départ, j’ai offert à la Soeur supérieure du Prieuré un croquis de son couvent réalisé avec les moyens du bord. Le soir et en dehors de mes heures de service, je me rendais dans la famille Hella, qui accueillait volontiers ces premiers soldats belges d’après juin 1940.

 

9 mars 1945

 

Nous quittons Amay vers 13 heures pour Aix-la-Chapelle, première ville allemande occupée par les Américains. Nous installons nos quartiers au n°11 de la Rhemstrasse, non loin de l’Institut technique. Cette ville en détresse et détruite à plus de 80 % est pratiquement vide de ses habitants. Des façades squelettiques et noircies par le feu se dressent en bordure des rues et semblent encore vouloir cacher les ruines et gravats derrière elles. Quelques chiens errants, des patrouilles motorisées et des M.P.’s sillonnent les rues de cette ville morte. Ça et là, on voyait un civil à la recherche d’un point d’eau ou de je ne sais quoi. Des rails tordus et des trams renversés et calcinés encombraient les rues principales. Des meubles, des châssis de fenêtres, des pierres, des briques…, jonchaient les trottoirs presque introuvables. Les rues plus ou moins épargnées étaient pleines de matériel américain de tous genres. Ce paysage apocalyptique est recouvert de quelques centimètres de neige qui soulignent encore d’avantage l’étendue de la catastrophe.

Afin d’éviter le pillage des maisons abandonnées, les M.P.’s font preuve de beaucoup de vigilance et contrôlent civils et militaires se déplaçant dans la ville. En dehors de nos heures de garde, nous sommes consignés dans notre quartier et la moindre infraction à cette consigne vous amène tout droit au P.C. américain pour justification.

Une certaine nuit, j’étais de garde dans une de ces rues bordée de chars ; je fus subitement tiré de ma torpeur hivernale par le crépitement d’une mitraillette et la voix d’un haut-parleur invitant les soldats belges à déserter l’armée américaine, nous comparant aux Waffen SS. volontaires étrangers de l’armée allemande. Je pris immédiatement position sur un de ces énormes chars, mitrail­lette armée et décidé à faire face aux événements. Tout ce bruit nocturne semble très proche. Finalement tout se calma et, lors de la descente de garde, vers deux heures du matin, j’appris qu’un commando allemand avait pénétré dans la ville, avait tué plusieurs soldats américains ainsi que le nouveau bourgmestre d’Aix-la-Chapelle, installé dans un des bunkers de la ville.

 

25 mars 1945         

 

Nous quittons Aix-la-Chapelle pour revenir en Belgique à Raeren afin de nous regrouper et de redistribuer les affectations en vue de la dernière phase de la guerre contre l’Allemagne nazie. Ici nous ne restons que 48 heures et nous logeons chez le privé en attendant notre départ. (Famille Baguette de Raeren)

 

28 mars 1945       

 

Nous quittons Raeren pour l’Allemagne vers 19 heures, vers une destination secrète. En pleine nuit, nos camions stoppent dans l’obscurité de la forêt et nous sommes invités à descendre sans bruit et sans allumer ni lampe de poche, ni cigarette. Nos chefs nous informent que dans les environs immédiats nous trouverions des baraques pour nous étendre jusqu’au levé du jour. Le temps est froid et il pleut. Fatigués, nous nous laissons tomber dans ce qui semble être des lits militaires sous ce qui ressemble à des baraques. Je me suis étendu dans une de ces caisses en bois et me suis assoupi jusqu’au matin. À mon réveil, je constate que même ma capote est trempée. J’avais dormi dans une baraque sans toiture !

Durant la matinée et après avoir procédé à notre installation au milieu de cette vaste forêt, nous faisons le point. Après repérage sur carte et sur le terrain, nous constatons que nous ne sommes guère éloignés de Münstereifel et de Rheinbach, en plein Eifel. Ici, un vaste dépôt de munitions allemand est dissimulé sous le couvert des arbres. On parla de 10.000 tonnes. Nous apprîmes par la suite que ce dépôt devait, soit servir à approvisionner l’armée allemande en cas de poursuite de l’offensive von Rundstedt, soit servir pour une seconde offensive. D’autre part, la forêt est truffée de rampes de lancement de fusées V.1. Nombre de ces rampes en béton armé étaient détruites suite à des bombardements alliés. Ici, nous avons comme tâche de veiller à cet énorme dépôt de munitions en attendant d’être engagés pour le passage du Rhin ou dans d’autres opérations de l’armée américaine.

 

4 avril 1945

 

Près d’un mois après le passage du Rhin à Remagen par les forces américaines et certaines unités du 12e Bataillon de Fusiliers, à notre tour, nous participons à l’élargissement de cette tête de pont vers le sud. Le 4 avril, une partie de la 3e Cie, dont ma section, fait mouvement vers 10 heures 30 en direction d’Ehringshausen, à 70 km au nord-est de Francfort. Incorporé à la 23e MRRS sgdn de l’armée de l’air, nous nous installons dans une ancienne usine d’aviation tout désignée pour cette unité de l’Air Force américaine (une bonne vingtaine d’avions d’observation). Ma section resta avec cette unité jusqu’à la fin des hostilités.

Les compagnies et même les sections du 12e Bon étaient éparpillées parmi les armées américaines un peu partout en Allemagne. Comme chef de section, j’entretenais de très bonnes relations avec tous les soldats de cette unité. La majorité était des pilotes, donc des officiers, commandés par le lieutenant Hill. Ici, un hôpital ainsi qu’un campement militaire avaient été creusés dans le flanc de la montagne. Ces installations semblaient avoir été évacuées hâtivement ; les soldats allemands avaient abandonné armes, équipement et objets personnels au pied de leur lit. Dans cette ville se situe également un énorme dépôt militaire où s’entassent linge de corps pour soldats, souliers, bottes partiellement en toile ou en feutre et équipement d’hiver pour le front russe. Avec l’autorisation du commandement américain, nous organisons la distribution de ces vêtements aux prisonniers français, belges, russes et polonais se trouvant dans les camps des environs ainsi qu’aux allemands complètement démunis. Toute espèce de fraternisation avec les Allemands était toujours interdite. Ce dépôt étant encore loin d’être vide lors de notre départ, nous avons chargé des prisonniers français de continuer la distribution.

 

11 avril 1945

 

Vers 9 heures 30, nous quittons Ehringshausen pour Hofgeismar, au nord de Kassel. À cette époque, une partie de l’armée allemande reste encerclée dans le bassin de la Ruhr. Nos quartiers se trouvent à la caserne allemande Manteuffel. Nous sommes affectés au renforcement du couloir nord-sud et fournissons la garde des avions de notre unité américaine, des ponts et des patrouilles d’appui pour empêcher les soldats de s’infiltrer à travers le dispositif d’encerclement. De nombreuses infiltrations de ce genre sont arrêtées et des SS., qui essayaient de disparaître dans la nature, sont arrêtés. Ainsi, avec deux hommes de ma section et un soldat américain, nous avons découvert trois SS. camouflés, habillés en civils et armés, dont Förster, le Gauleiter de Silésie.

 

18 avril  1945

 

Au début de l’après-midi, nous quittons Hofgeismar pour Iéna, à 70 km de la frontière tchécoslovaque. Avec le printemps, nous découvrons ce magnifique coin de Thuringe. En arrivant, beaucoup d’entre nous souffrent d’une affection cutanée, la gale. N’ayant pas de médecin à notre disposition, je me rends personnellement dans l’hôpital allemand dans l’espoir d’y trouver un remède. On me soigne à coup de pommade à base d’oxyde de zinc, ce qui ne fait qu’empirer mon état. Nerveux et irrité, je rentre à la caserne et me précipite chez le médecin américain, qui me donne une pommade à base de pénicilline. Il me conseille de passer cette pommade à mes camarades ; cela devrait servir pour soigner toute une compagnie. Il nous conseille de bien aérer nos vêtements et nos couvertures. Après quelques jours, nous sommes tous guéris de cette affection douloureuse.

Nous sommes installés à la caserne d’artillerie. Au centre de cet énorme complexe, dans la cour centrale, se trouvent quatre appareils d’écoute d’avions, à l’état neuf, et, sur un socle en béton, un tank Renault de l’armée française. Avec plusieurs de mes camarades, guidés par une odeur putride, nous découvrons dans la caserne le cadavre d’une jeune fille. Les soldats avaient, ici aussi été surpris par l’avance américaine et avaient laissé leurs affaires personnelles et leurs armes dans les chambres.

Quelques jours après notre arrivée, je suis détaché avec ma section au champ d’aviation Jägerberg, où nous devons assumer la surveillance des pistes et du matériel. Ce champ d’aviation est jonché de carcasses d’avions allemands brûlés ainsi que de nombreux avions postiches en bois. Le 22 avril, grâce à notre arme automatique, nous forçons un avion allemand, un Heinkel 111, (*) à atterrir. Après avoir essuyé le feu de nos armes, un membre de l’équipage agita un drapeau blanc sous la carlingue de l’appareil.

 

 

 

 

 

 

 

Volontaires belges du 12e Bon Fu. prenant la pose sur le Heinkel 111.

(Photo G. Arendt)

 

 

 

 

L’appareil se range devant les hangars et à notre plus grand étonnement, une dizaine d’officiers supérieurs, dont certains aux revers rouges et bardés de décorations, sortent de ce bel avion qui arrête ses moteurs. Cela ressemblait à une troupe théâtrale revenant de sa tournée avec armes et bagages. Mes hommes continuant leur service de garde sous la responsabilité du caporal, je dus conduire seul cette haute volée avec un camion américain et son chauffeur au P.C. américain de Iéna. Après leur avoir posé quelques questions en allemand, je compris que ces officiers et leurs ordonnances avaient abandonné leurs hommes aux mains de l’armée russe et voulaient sauver leur peau derrière les lignes américaines. Arrivés au P.C., leurs épouses les y attendaient comme si cette fuite vers l’avant de ces stratèges avait été préparée de longue date. Après une petite restauration et un bref interrogatoire, ils furent rechargés sur camion et dirigés vers un camp de prisonniers. Les adieux à leurs épouses ne se firent pas sans larmes. Pourquoi n’iraient-ils pas derrière les barbelés comme les autres soldats allemands ?

Au cours de notre séjour au Jägerberg (Iéna), nous avons été surpris par une courte visite du général Eisenhower, qui rendait visite à certaines de ses unités et qui salua par la même occasion quelques hommes de ma section.

Comme tous les villages environnants, Iéna est entièrement sous la domination des civils russes et la population allemande n’est plus qu’une petite minorité. De très nombreux camps de prisonniers et de travailleurs volontaires russes, polonais, serbes, etc., ont été construits dans toute la région. Des civils russes en armes gardent tous les bâtiments importants de Iéna et ce ne fut que le couvre-feu depuis 17 heures qui permit aux Américains de préserver une certaine sécurité. De nombreux heurts se produisirent entre Américains et Belges d’un côté et Russes ne voulant pas respecter l’ordre, de l’autre. Sous les planchers des baraquements, tout ce monde dissimulait armes et munitions de tous genres. L’Allemagne était déjà occupée sans les troupes américaines et russes. Elle s’était occupée elle-même avec tous les étrangers importés de gré ou de force.

Je me permets de rapporter ici un incident survenu suite à cette situation confuse de fin de guerre qui régnait dans la région comme certainement dans d’autres coins de l’Allemagne vaincue. À proximité de notre base se trouve une petite auberge exploitée par la famille Seyfart. À deux camarades, nous y allons assez régulièrement pour y retrouver un peu d’ambiance familiale et de temps en temps, un repas autre que celui servi par l’armée et constitué de beaucoup de conserves. D’autre part, ces personnes s’occupent de notre linge et, en reconnaissance, nous leur cédons nos rations K ainsi que le surplus de notre cuisine. La maison avait l’autorisation du Military Government pour recevoir les soldats alliés.

Lors d’une petite soirée organisée pour fêter la capitulation des armées hitlériennes, j’ai fait la connaissance d’un musicien de la radio de Cologne qui m’a refilé son revolver 6.35, sans cartouches, pour quelques paquets de cigarettes Camel. Cet homme avait certainement aussi déserté de l’armée allemande et, en costume civil, il attendait le moment propice pour rentrer à Coblence où il habitait. Il semblait être toléré par tout le monde et devenait même sympathique quand il laissait courir ses doigts sur le piano. Dans l’attente de trouver des cartouches adéquates, cette petite arme pouvait me rendre service et me permettait de sortir sans une encombrante mitraillette à l’épaule. Comme déjà dit les étrangers ne pouvaient survivre que grâce au pillage et au vol. Souvent nous étions appelés ainsi que les Américains pour secourir les habitants des fermes et des hameaux isolés, investis par les étrangers, souvent russes. Un jour, dans le courant de l’après-midi, un camarade et moi arrivâmes dans la petite auberge comme d’habitude. Dès notre entrée, nous trouvons les propriétaires enfermés dans une pièce et, dans la cuisine du fond, nous trouvons deux civils russes occupés à descendre les jambons de la cheminée alors que d’autres saccageaient mobilier et matériel. Avec l’aide de mon camarade G., non armé, mais surtout de mon 6.35, sans cartouche, je parvins à maîtriser les six hommes et à les mettre face au mur du restaurant pour les désarmer. Ils étaient en possession de trois grenades allemandes, d’un revolver et d’une baïonnette. Il est certain que ces hommes furent surpris par notre rapidité et notre détermination et n’eurent pas eu le temps de réagir. Naturellement, il n’y avait que moi qui savais que mon revolver n’était pas chargé et donc sans danger.

 

12 mai 1945 

 

Deux sections américaines et ma propre section, ainsi que le lieutenant Hill, visitons le camp de concentration de Buchenwald. Lors de cette visite, nous sommes guidés par un prisonnier juif allemand du camp, originaire de Hambourg, où il possédait une fabrique de cigares. J’assurais personnellement la traduction pour ma section et le lieutenant se chargea de donner les explications à ses hommes en anglais. J’ai personnellement décrit ce camp dans les pages jointes à mon récit.

ET CECI EST IDENTIQUE À CE QUE J’AI VU ET ENTENDU CE JOUR DE MAI 1945. 

 

19 mai 1945

 

L’ordre de marche pour Pilzen, en Tchécoslovaquie, était arrivé à la compagnie, mais fut annulé par la suite, les armées allemandes ayant capitulé entre-temps. Une décision des Alliés partageant l’Allemagne en différentes zones d’occupation, nous sommes retirés sur Grossalmerode et relevés par l’armée russe qui occupa la partie est de l’Allemagne. À Grossalmerode, nous sommes cantonnés dans les bâtiments de l’Amtsgericht et toute la compagnie est regroupée en vue de son retour au pays où la question royale a créé une certaine tension au sein de la population. La petite ville de Grossalmerode est entièrement habitée et une certaine tension s’y manifeste également ; les dénonciations revanchardes sont pratique courante et les caves de l’Amtsgericht sont entièrement occupées par des personnes qui attendent leur jugement ou leur libération, s’ils sont encore en vie, car certaines s’étaient pendues.

 

13 juin 1945

 

Après une campagne d’Allemagne commencée le jour de notre départ de la caserne de Charleroi, le 13 février 1945, nos pérégrinations se terminent par notre départ de Grossalmerode par la gare de Cassel, en chemin de fer et dans des wagons pour bestiaux, pour une destination inconnue. Le samedi 16 juin, à l’aube, en sortant de nos wagons, nous découvrons la ville française de Valenciennes. La question royale divisant toujours les Belges et vu les tendances de certains de nos hommes et de nos chefs, les autorités belges nous avaient transférés en France en transitant par la Belgique d’est en ouest.

 

10 août 1945

 

Placés sous les ordres des autorités britanniques, nous sommes affectés au camp d’Overijsse afin d’y assumer la garde. Ici, nous logeons sous tente comme les prisonniers, la nourriture est infecte et le service à l’anglaise.

 

30 septembre 1945

 

Toujours sous commandement anglais, nous sommes déplacés vers Anvers, dans l’ancienne caserne d’artillerie, où nous sommes soumis au drill anglais avec des officiers écossais. Nos propres officiers, jusqu’au commandant de compagnie, étaient obligés de porter le fusil comme de nouvelles recrues. J’avais l’intention de faire carrière à l’armée, mais après avoir passé et réussi mon examen comme candidat officier, je me suis fait démobiliser le 29 novembre 1945, un peu aigri et déçu par ces derniers mois passés dans l’armée redevenue entièrement belge. Je me voyais plus utile dans l’enseignement qu’à l’armée. Ici, un autre devoir m’attendait.

 

JE NE REGRETTE ABSOLUMENT PAS AVOIR SERVI MON PAYS QUAND IL AVAIT BESOIN DE MOI ET SUIS ENCORE AUJOURD’HUI DISPOSÉ A LE FAIRE PEUT-ÊTRE D’UNE TOUTE AUTRE MANIÈRE.

RÉFLECTIONS PERSONNELLES :

 

La majorité des hommes de ces bataillons de volontaires n’avaient pas pris directement part aux combats alors qu’ils s’étaient engagés dans ce but et n’attendaient que cela. Ceci n’affecte cependant en rien leur mérite, libérant ainsi nombre de soldats américains et anglais qui devenaient disponibles pour d’autres tâches. Ces hommes n’avaient-ils pas signé leur engagement afin de participer volontairement au nom de notre Pays à la libération des pays asservis d’Europe et d’Asie.

 

Annexe : description du camp de concentration (K.Z.) de Buchenwald  lors de la visite que G. Arendt y effectua le 12 mai 1945.

           

Ce camp fut construit en 1938 pour recevoir 6.000 prisonniers. Il était destiné aux juifs allemands et aux opposants du régime hitlérien. Lors de sa libération par les soldats américains, 60.000 prisonniers y étaient détenus (10 fois trop en fonction de l’espace). Lors de notre visite, près de 20.000 avaient déjà été reconduits dans leur pays d’origine : Français, Be1ges et Hollandais. Ceux qui s’y trouvaient encore étaient principalement des pays de l’est et d’Allemagne (40.000). Ce camp se trouvait encore dans l’état tel que les gardiens allemands l’avaient abandonné à l’arrivée des Américains. Dans ce camp aboutissait également une ligne de chemin de fer équipée d’une gare de chargement. Lors de la construction de cette liaison ferroviaire, plus de 20.000 prisonniers y ont laissé la vie. Le camp est entouré d’une double clôture de trois à quatre mètres de hauteur de fil de fer barbelé spéciale et électrifiée. De nombreux miradors équipés de projecteurs érigés autour du camp permettent la surveillance des couloirs entre les barbelés ainsi que de l’intérieur du camp lui-même. Dans chaque mirador, il y a en principe une mitrailleuse avec servants et deux fusiliers (5 SS.). Une porte monumentale et un corps de garde permettent l’accès au camp. Tous les baraquements : logements, cuisines, salles spéciales, laboratoires et hôpital, sont construits en bois, souvent sur des assises en béton. Durant les derniers mois précédant la libération, les SS. ne pénétraient pratiquement plus à l’intérieur en raison des nombreuses maladies contagieuses qui y régnaient. Les ordres et autres communications se faisaient à l’aide de plusieurs haut-parleurs installés à l’entrée et au centre du camp.

 

Visite du camp

 

La salle des pendus

 

Dans cette grande baraque, 35 pilotes américains capturés lors de bombardements furent pendus aux clous durant quelques minutes par le dessous du menton (1). Les SS. leur cassaient la colonne vertébrale à l’aide d’une hache spéciale (2), ensuite ils étaient transportés morts ou vifs vers les crématoires (4). Pour ce transport, de petits chariots fort élevés étaient prévus. Avec ces chariots, des milliers de prisonniers avaient été dirigés vers leur lieu d’incinération (3). 

J’ai vu personnellement des restes de corps calcinés dans plusieurs de ces fours de la mort. L’odeur que dégageaient ces lieux était une preuve évidente de l’activité débordante qui devait y régner durant de nombreuses années. Au-dessus des fours, sur un écriteau noir avec lettres rouges et jaunes, on pouvait lire que la destruction du corps humain par le feu était une manière de rachat pour ce dernier.

Dans un coin de la salle des crématoires se trouvaient sur une table un certain nombre d’urnes funéraires (5) contenant vraisemblablement des cendres humaines. Ces urnes étaient livrables aux familles des victimes contre un remboursement de 12 Reichmark. Elles contenaient environ 1 à 1 1/2 litre de cendres. L’urne est fermée en sa partie supérieure par une plaque de zinc où figuraient les nom, prénom et localité d’origine de la personne  incinérée ainsi que sa date de naissance et le jour de l’incinération. En exemple et afin de pouvoir vérifier un jour ce témoignage, j’ai pris note de l’inscription se trouvant sur une de ces urnes :

« HANZ  ZANDER     né le 7.12.1922 »

« de ESCHWEILER    incinéré le 3.4.1945 »

donc peu de temps avant l’arrivée des Américains.

6.500 soldats russes, en majorité des officiers, furent également fusillés dans ce camp par les SS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le sergent V.d.G. Arendt

durant la campagne d’Allemagne

 

 

 

 

 

Etapes suivies par le V.d.G. Guillaume ARENDT, chef de section à la 3e Compagnie, durant la Campagne d’Allemagne

 

 

1. Charleroi                  2. Amay                               3. Raeren

4. Aix-la-Chapelle      5. Münstereifel, Rheinbach et Remagen

6. Ehringhausen          7. Hofgeismar      8. Iena, Pilzen

9. Grossamelrode        10. Valenciennes  11. Overijsse

12. Anvers

 

 

 

Le logement des prisonniers 

 

De très nombreuses rangées de baraques s’alignaient d’un bout à l’autre du camp. Ces baraques servaient pour la plupart de dortoirs et étaient équipées de lits superposés en bois de 1 m de large. Ici règne une odeur aigre de chaire humaine. Jamais de ma vie je n’avais perçu une semblable odeur. Dans ces lits de 1 m de large, ils dormaient généralement à quatre, ce qui faisait 8 par lit superposé et cela parce que le camp était surpeuplé et qu’ainsi ils pouvaient se réchauffer mutuellement. Après un bref mesurage de ce dortoir où logeaient 1.600 prisonniers, je devais constater qu’il n’avait que 7 m de large sur 20 m de long et 3 m de haut. En été, les prisonniers disposaient d’une couverture et en hiver de deux.

 

Infirmerie et hôpital 

 

Ici régnait en maître absolu un médecin SS., qui fit périr par ses piqûres plus de 1.800 prisonniers. À l’entrée même de l’hôpital se trouve l’infirmerie où travaille en permanence le médecin SS. La visite de l’intérieur de l’infirmerie nous était interdite, les Américains y ayant apposé les scellés en attendant une enquête internationale.

Toutes les personnes arrivant au camp malades et non rétablies après huit jours, ainsi que les inaptes à fournir un travail « valable » étaient  simplement supprimées à l’aide de piqûres par le médecin du camp. Une fois la piqûre reçue, le patient mourait après quelques minutes. L’hôpital proprement dit pouvait recevoir 3.500 malades. Ici aussi, il régnait une forte odeur de cadavre. Souvent on y laissait mourir les malades en leur refusant les soins.

Les lits de la rangée de gauche étaient destinés aux contaminés par le typhus, ceux de droite aux tuberculeux. Les lits du fond étaient pour les enfants dont le plus jeune n’avait que deux ans. Un prisonnier atteint d’une maladie contagieuse n’était pas isolé mais placé parmi ceux qui étaient gravement atteints. Pour cet homme, il n’y avait plus d’espoir de guérison. Aussi, ils mourraient par centaines toutes les semaines.

Les SS. venant de moins en moins dans le camp, il arrivait que les prisonniers ne signalaient plus la mort d’un ou de plusieurs des leurs et les gardaient dans le lit afin de pouvoir profiter de leur ration alimentaire. Inutile de dire que les rations étaient réduites au strict minimum. Tous les travaux intérieurs au camp étaient effectués par les prisonniers sous les ordres et la responsabilité d’un des leurs.

Sur la droite de l’allée centrale se trouvait aussi un 1aboratoire où travaillaient plusieurs médecins. L’entrée étant également interdite, on pouvait voir par la fenêtre des organes humains conservés sous verre et sans doute dans l’alcool. Notre guide nous signale qu’ici ces médecins se livraient à de nombreuses expériences sur le corps humain et tout spécialement sur les femmes. Il existait également des endroits destinés à la promiscuité. Au début, ces locaux étaient uniquement réservés aux SS. Progressivement, ces lieux furent le centre de propagation de nombreuses maladies. Aussi, les Allemands évitèrent-ils ces baraquements en y laissant proliférer les contaminations de tous genres.



20/12/2010
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