SEGNIA- Cercle d\'Histoire et d\'Archéologie - HOUFFALIZE

Photographies inédites de Houffalize et environs par J.P. Weber

Par J.P. Weber, l'entièreté de cet article est disponible sur simple demande à Segnia.

 

 

Introduction

 

En septembre 1991, Mr Jean-Pol Weber, propriétaire de ces clichés « houffalois », achetés sur une brocante, prenait contact avec Mr Victor Alié, président du Cercle SEGNIA, pour rassembler un maximum de renseignements au sujet de ces documents originaux : localisation, identification, chronologie, etc. Le problème se posait quant à l’identité du photographe. Il semblait vraisemblable que celui-ci ait pu habiter alors le bâtiment de droite, visible sur le cliché n° 3, représentant une diligence sur la Place du Marché et puisse être Élisée Lemaire, (1) éditeur de cartes postales. 

 

Quelques années plus tard, Mr Weber s’adressa à Mr Alfred Dubru pour ajouter des commentaires mais plusieurs documents restaient cependant impossibles à identifier. Mr Dubru mentionnait un second auteur, excellent photographe, installé à Houffalize : Amand Maréchal. Selon un encart publicitaire qu’il avait fait insérer dans un guide de poche (2), il résidait en face de l’hôtel de ville et réparait également les horloges. Il lui était donc aisé de saisir sur l’objectif de son appareil photographique des scènes aussi instantanées que la présence de Tziganes au centre de la ville, un paysage houffalois sous la neige, l’animation d’un jour de foire ou le passage d’une procession en Ville Basse au mois d’août. Nous connaissons une carte postale de ce photographe mais n’était-il pas facétieux pour publier une vue plongeante de la rue du Haut Pont « éclairée » par un faible soleil qui se lève ou se couche au nord, au-dessus du Tier des Cochons ? L’immeuble situé au bas de la rue, avec ses trois petites fenêtres sous la toiture, apparaît sur le cliché n° 4, représentant une scène de marché.

 

Si Amand-Louis Maréchal est Houffalois de naissance, Louis-Bernard, son père, est un « étranger », né le 22 juin 1810 à Champagne (Waismes), en Prusse depuis la défaite de Napoléon Ier à Waterloo. Ses parents sont déjà décédés (3) lorsqu’il épouse civilement à Houffalize, le 6 août 1845, une couturière de 28 ans, orpheline de père, répondant au nom d’Anne-Françoise Deflandre. Anne-Catherine Denis et Nicolas-Joseph-Alphonse Deflandre, respectivement la mère et le frère de la jeune épouse, assistent à la cérémonie qui a lieu en l’hôtel de ville, très tôt le matin en face de l’officier de l’état civil. Le couple a au moins trois enfants (4) nés à Houffalize, dont Amand-Louis, qui voit le jour le 4 septembre 1858.

 

Amand Maréchal a participé à la vie politique de Houffalize ; en octobre 1903, il est élu et devient conseiller communal le 1er janvier 1904. (5) Il est resté célibataire ; il est mort à Houffalize, le 13 janvier 1940, au domicile de son neveu Edmond Wathelet, âgé de 71 ans, qui se fait accompagner par son fils Joseph pour déclarer le décès à l’administration.

 

 

(1) Voir SEGNIA, t. XXXII, fasc. 1, 2007.

(2) Albert DUBOIS (secrétaire du Club alpin belge), Guide pratique du promeneur aux environs de Houffalize, Imp. J. Janssens, Bruxelles, s.d. (vers 1900).

(3) Le père est décédé au Pont de Warche, Commune de Malmedy, le 3 février 1835 et la mère, Marguerite Etienne, à Montjoie, canton de Malmedy, le 3 août 1818. Ces Maréchal n’ont aucun lien de parenté avec la famille homonyme des tanneurs houffalois.

(4) Alphonse, né le 19 janvier 1846, Marie-Rosine, née le 20 septembre 1850 et Amand-Louis.

(5) À la fin de 1894, l’échevin Chisogne démissionne parce qu’il est candidat pour reprendre la fonction de secrétaire communal ; il le devient effectivement. Amand Maréchal est élu par le conseil (5 voix pour, 1 voix contre, un bulletin blanc) pour reprendre la charge vacante d’échevin et terminer le mandat de Chisogne le 31 décembre 1907. Il siège ensuite comme conseiller. Aux élections d’octobre 1911, il est réélu et le 3 janvier 1912, il devient à nouveau échevin jusqu’au 31 décembre 1919.

(Houffalize, Administration communale, Registre des délibérations du Conseil communal, 1897-1919, incomplet et endommagé suite aux bombardements de 1944-1945)

 

 

*          *          *          *          *

 

 

 

 

 

En 1878, quelques années avant qu’il ne produise ces clichés, le photographe était un des 1200 habitants de Houffalize. L’Almanach du Commerce de cette année en a dressé la classification :

Bourgmestre : Cawet J.B. ; Secrétaire communal : Gérardy C.

Écoles : inspecteur ecclésiastique : Remy J.L. ; instituteurs : Lenoir F., Maquet J., Soblet.

Juge de Paix : Leblanc Ch. ; suppléants : Biermé L.D., Urbin-Choffray ; greffier : Jeanty.

Agents d’assurance : Halet E., Schwontz J.B., et Urbin-Choffray.

Aunages et épiceries : Biermé L., Cawet J.B., la veuve Devillers, Gérardy Alph., Jacqmin-Lemaire L., Martiny J., Massa-Gérardy, Mathurin G. et Ricaille-Wathelet.

Bottiers : André P., Keuppens G., Léonard F., Pierret A. et Strassen P.

Bouchers : Jacquet E., Lesage E., Thomas H.J. et J.

Boulangers : Gatez L., Pfloug B. et C., Philippin C., Schwontz L., et la veuve Verheggen.

Bourrelier : Mathieu A.                              Brasseur : Biermez N.

Cabarets et auberges : Cawet J., Jacquet E., Philippe X. et la veuve Verheggen.

Charpentiers-menuisiers : Bazard E. et C., Bourgeois L, Dubru H., Fudvoye J. et Maréchal L.B.

Charrons : Dubru M. et L., Delcomunne F. et P.

Commissaire voyer : Walin J.B.

Contributions : Demanet E., contrôleur, et Lochtmans M., receveur.

Enregistrement : Quoilin, receveur.

Fabriquant de casquettes : Jacoby L.         Ferblantier : Philippin C.J.

Géomètre : Boclinville J.                            Horloger : Deflandre L.

Hôteliers : la veuve Burnet M. et la veuve Halet F.

Huissier : Halet E.                                      Maçons : Jacqmin A., Léonard A., Martiny A. et Nélis N.

Marchand de chiffons : Dupont A.             Marchands de couleurs : Delvaux M., Lesnino L. et A.

Marchands de farine : Gérardy A. et C., Léonard A.

Marchand de fer : Bastin E.                    Marchands de laine : Cawet J.B. et Mathurin G.    

Marchands de grains et graines fourragères : Cawet M. et Lemaire J.C.

Médecin : Maréchal P.F.              Meuniers : Chisogne J., Geradin-Lemaire, la veuve Poncin et Voz J.

Négociants en cire jaune et miel : Cawet J.B. et Lemaire J.C.

Notaires : Urbin-Choffray L. et Poncin A.V.

Peintres en bâtiments : Delvaux N., Lesnino L. et M.

Plafonneurs : Daco M., Jacoby J. et Jacquet V.

Percepteur des Postes : Focquet J.                    Prêtres : Remy J.L., doyen ; Georges J., vicaire.

Propriétaires : Cawet (…) et Halet F.J.            Sage-femme : Martiny M.J.

Scieries de bois : Geradin-Lemaire.                  Serruriers : Wathelet J. et H.J.

Taillandiers : Bomboir J. et Wathelet P.           Tailleurs : Jacoby L., Jacquet H.J. et Thibeau N.

Tanneurs et corroyeurs : Dubru D., Genin L. fils, Gérardy C., Halet J., Jacques J.C., Lemaire J.C., Maréchal H., Martiny V. et la veuve Poncin.   

Teinturiers : la veuve Devillers et Verheggen R.

Voitures : Delvaux J. et Genin H.J.C.

 

 Cliché n° 1 (en couverture)

 

La Place du Marché, actuellement Place Roi Albert.

 

À gauche, l’Hôtel des Postes (1), où les touristes peuvent se procurer des voitures et des chevaux en location. L’attelage qui prend la direction de Mabompré appartient-il à l’hôtel ? Depuis son ouverture officielle en juillet 1889, la ligne du vicinal Bourcy – Houffalize draine vers les bords de l’Ourthe de plus en plus de visiteurs. N’était-ce d’ailleurs pas un des avantages de la création de la ligne : le développement du commerce, du tourisme, de l’industrie et de  l’agriculture ?

En 1888, la chambre avec petit déjeuner et repas du soir coûte 3,25 francs ; le repas de midi se paye 2 francs. Le patron offre une réduction pour un séjour prolongé, pour les enfants ainsi que pour les domestiques et mentionne les possibilités de chasse et de pêche pour ses pensionnaires. L’Hôtel du Luxembourg et l’Hôtel des Ardennes, deux autres établissements contemporains, proposent des prix analogues pour les mêmes services.

Dans une des petites maisons voisines résidait Mademoiselle Lucie Philippe, l’hôtesse du peintre Jules Raeymaekers (2). Le plus gros bâtiment aux cinq  fenêtres dans la toiture, appartenait à la famille Lambin. Le dernier bâtiment de l’alignement sur la gauche de la route est l’hôtel de ville, en face de l’ancienne résidence des seigneurs de Houffalize, acquise par la commission d’assistance publique, transformée en hospice en 1888 et appelée du nom de son bienfaiteur, l’abbé Jean-Antoine-Augustin Wilmotte (3), le fils d’un notaire houffalois d’Ancien Régime. À droite de la route, les maisons plus modestes appartiennent au notaire Urbin Choffray et au couple Biermez-Massa. L’éclairage public du lieu est assuré par un réverbère dont la lanterne est suspendue.

 

Le kiosque : La Société Houffalize-Attraction, agissant par ses membres MM. Jules Raeymaekers, rentier, Edouard Halet, agent d’affaires, et Léopold Chisogne, tanneur, propose à la ville de lui abandonner la somme de 1150 francs, recueillie pour la construction d’un kiosque sur la Place du Marché. En séance du 12 septembre 1902, le Conseil communal accepte les conditions et décide qu’il y a lieu d’ériger immédiatement le dit kiosque. Celui-ci sera propriété communale, entretenue par la ville. Toutes les sociétés de musique de Houffalize, vocales ou instrumentales, existantes ou futures, auront les mêmes droits à s’y faire entendre. Les heures de prestation en semaine seront attribuées par tirage au sort pour l’année, chaque premier dimanche d’octobre, par les soins du Collège échevinal, en présence des présidents ou délégués des sociétés ; les dimanches et jours fériés, y compris les jours de grande et petite kermesse, chaque société aura droit à ses heures d’audition, fixées le jour même, de la même façon que pour les jours de semaine. (4)

 

 

(1) Albert DUBOIS (secrétaire du Club alpin belge), Guide pratique…, Op. cit., pp. 77-78, consacre deux pages publicitaires à l’Hôtel des Postes : il est tenu par la veuve Xavier Philippe et ses enfants ;  il est  « installé de façon à rendre la vie aussi confortable et aussi agréable que possible. Deux dépendances bien situées permettent de mettre un grand nombre de très bonnes chambres à la disposition des visiteurs ». L’établissement propose une « cuisine saine et variée. Bonne cave » et, chose plus rare, « Bains à l’hôtel ». Il est possible de profiter d’une prairie pour pratiquer le croquet et le lawn-tennis.

(2) Jules Raeymaekers, né à Laeken le 26 avril 1833, séjourna un peu plus de 25 ans à Houffalize et y décéda d’une pneumonie le 16 novembre 1904. Par testament du 23 septembre 1904, il légua l’usufruit de sa maison de Houffalize à Melle Lucie Philippe, fille de Xavier, le propriétaire de l’Hôtel des Postes, pour autant qu’elle ne soit pas mariée à l’époque de son décès ; le codicille à son testament mentionne qu’il lègue la maison à l’Etat belge, désirant que celui-ci la mette à la disposition de l’Académie Royale de Belgique qui désignera les artistes autorisés à l’occuper gratuitement.  (M. WILMOTTE, Jules Raeymaekers, et J. VERBRUGGHEN, Étranger au paradis, dans Catalogue d’exposition Alta Falesia – Cercle Culturel, Houffalize, 1982, non paginé).

(3) Le notaire et procureur Dieudonné Wilmotte avait épousé une Houffaloize, Anne-Marie André, en janvier 1769. Le donateur, né en 1776, était leur quatrième enfant. Il fut vicaire à Houffalize puis curé à Sommerain jusqu’en 1852. Par testament, il légua tous ses biens meubles et immeubles au bureau de bienfaisance de la ville de Houffalize pour ériger un hospice de charité.

(4) Houffalize, Administration communale, R.D.C.C., 1897-1919.

 

Cliché n° 2 :

 

La Place du Marché, un jour d’animation.

 

Quelques années plus tard, l’Hôtel des Postes est transformé et agrandi : le nom du propriétaire, Xavier Philippe (1), apparaît en grandes lettres au-dessus du linteau des fenêtres du rez-de-chaussée et la dépendance a été remplacée par un volume supplémentaire avec porte d’entrée. La maison voisine vers l’aval a été haussée et un balcon s’est ajouté au premier étage. Le quatrième bâtiment a également subi des modifications. Le kiosque n’est pas encore construit.

À droite de la route, le premier immeuble, avec des volets, appartenait à la famille Tinant-Halet (2), le suivant, plus imposant, est celui du docteur Maréchal (3), et le troisième, avec ses deux étages, était la propriété de Léon Philippe. Les deux autres immeubles sont restés inchangés et le réverbère est toujours en place. D’après les ombres des personnages, le cliché a été pris dans l’après-midi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À Monsieur Zéphyr Tinant,

en hommage de la part de ses anciens élèves.

Houffalize, 1879 – 1894.

(Archives Segnia)

 

 (1) Xavier-Jean-François Philippe est décédé à Houffalize le 26 juillet 1893 ; son père, Jean-François, est également décédé à Houffalize à l’âge de 83 ans, le 24 juillet 1891. L’épouse de Xavier, Anna Halet, était la fille de Jean-François et de Joséphine Jacqmin ; elle est décédée à Houffalize à l’âge de 62 ans, le 17 octobre 1910. Le 4 septembre 1913, Fernand Raeymaekers, jeune industriel bruxellois en villégiature à Houffalize, parent du peintre, meurt à l’Hôtel des Postes.

(2) Zéphyr Tinant est né à Gribomont (St-Médard) le 23 février 1857, fils de Joseph et d’Anastasie Mathieu. Le 1er septembre 1883, il épouse Octavie-Joséphine Halet, fille de Henri-Joseph et de Marie-Louise Jacqmin. Le couple a 7 enfants nés à Houffalize, dont le futur capitaine-commandant Louis Tinant, victime des combats de Hoogstade en octobre 1918. Il est arrivé à Houffalize en pleine lutte scolaire où il enseigne à l’école libre. Le bourgmestre Léon Poncin mentionne dans son témoignage devant la commission d’enquête qu’il a été secondé par « un individu qui était, je crois, cordonnier quand on en a fait un instituteur libre ». D’après le cordonnier Alfred Philippin, Tinant a « fait représenter par ses élèves quatre ministres différents, chaque élève ayant son rôle. M. Van Humbeeck, ministre de l’Instruction publique, venait enterrer le catholicisme dans la fosse ; l’élève qui remplissait le rôle du ministre de l’instruction publique était appelé par son nom de Van Humbeeck ». Tinant est décédé le 6 décembre 1894 à l’âge de 38 ans. Entre-temps, la Commune avait adopté l’école libre.

(L. NOLLOMONT, Henri Sébald, brigadier au 23e Régiment de Dragons français, dans SEGNIA, t. XXIX, fasc. 3/4, 2004, pp. 92-106. Enquête scolaire, Procès-verbal d’enquête, Canton de Houffalize, Séances des 8 au 10 septembre 1881, témoins L. Poncin (p. 872), et A. Philippin (p. 867), Bruxelles, imp. E. Guyot)

(3) Abbés P. BARTHÉLEMY & A. ROBERT, Histoire de la ville de Houffalize telle qu’elle parut sur le bulletin paroissial de 1931 à 1937, 2 vol., dans SEGNIA, Hors-série n° 3 et n° 4 ; le docteur n’y est pas présenté sous son meilleur jour car il eut des démêlés avec le curé Barthélemy.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cliché n° 2  



30/12/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 22 autres membres